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doivent être également conçus comme purement formels, c’est-à-dire dépourvus de tout contenu intuitif ou accessible à l’expérience, dont celui mentionné plus haut est un exemple. Ces axiomes sont des créations libres de l’esprit humain. Toutes les autres propositions géométriques sont des déductions logiques des axiomes (qui doivent être conçus au point de vue nominaliste). Ce sont les axiomes qui définissent en premier lieu les objets dont traite la géométrie. Et c’est pourquoi Schlick, dans son livre sur la Théorie de la connaissance, a très justement regardé les axiomes comme des définitions implicites.

Cette conception des axiomes, qui est représentée par l’axiomatique moderne, débarrasse la mathématique de tous les éléments qui ne lui appartiennent pas, et dissipe ainsi l’obscurité mystique qui enveloppait auparavant les fondements de la mathématique. Une telle exposition épurée rend de même évident que la mathématique comme telle est incapable d’énoncer quoi que ce soit, ni sur les objets de la représentation intuitive, ni sur la réalité. Par les mots point, droite, etc., il ne faut entendre dans la géométrie axiomatique que des concepts schématiques vides de contenu. Ce qui leur confère du contenu n’appartient pas à la mathématique.

Mais il est d’autre part certain que la mathématique en général et la géométrie en particulier doivent leur existence à notre besoin d’apprendre quelque chose sur la manière d’être des objets réels. Le mot géométrie, qui signifie mesure du terrain, le prouve déjà. Car la mesure du terrain traite des positions relatives possibles de certains corps de la nature, c’est-à-dire de parties du corps terrestre, de cordeaux, de jalons, etc. Il est clair que le système de concepts de la géométrie axiomatique seule ne peut formuler aucun énoncé sur la manière d’être de cette espèce d’objets de la réalité que nous appellerons corps pratiquement rigides. Pour pouvoir fournir des énoncés de ce genre, la géométrie devrait être dépouillée de son caractère logique et formel, de telle sorte