qu’on puisse ajouter aux concepts schématiques vides de la géométrie axiomatique des objets de la réalité accessibles à l’expérience. Pour effectuer cela, il suffit d’ajouter la proposition suivante :
« Des corps solides se comportent par rapport à leurs possibilités de position comme des corps à trois dimensions de la géométrie euclidienne ; alors les propositions de la géométrie euclidienne contiennent des énoncés sur la manière d’être des corps pratiquement rigides. »
La géométrie ainsi complétée est manifestement une science naturelle ; nous pouvons même la considérer comme la branche la plus ancienne de la physique. Ses énoncés reposent essentiellement sur l’induction de l’expérience, et non pas seulement sur des déductions logiques. Nous appellerons la géométrie ainsi complétée géométrie pratique, et nous la distinguerons dans ce qui suit de la géométrie axiomatique pure. La question, si la géométrie pratique du monde est euclidienne ou non, a un sens précis, et la réponse ne peut être fournie que par l’expérience. Toute mesure de longueur en physique est de la géométrie pratique dans ce sens ; de même encore la mesure de longueur géodésique et astronomique, si l’on ajoute la proposition expérimentale que la lumière se propage en ligne droite, en ligne droite dans le sens de la géométrie pratique.
J’accorde d’autant plus d’importance à la conception de la géométrie ainsi caractérisée qu’il m’aurait été impossible de construire sans elle la théorie de la relativité. Sans elle, en effet, la considération suivante aurait été impossible : Dans un système de référence, qui tourne relativement à un système d’inertie, les lois de position des corps rigides ne correspondent pas, à cause de la contraction de Lorentz, aux règles de la géométrie euclidienne ; si, par conséquent, on considère les systèmes privés d’inertie comme des systèmes également admissibles, la géométrie euclidienne doit être abandonnée.