Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/102

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Elles parlaient peu. Elles regardaient devant elles dans l’opaque, du côté où les hommes étaient partis pour la pêche, du côté où ils devaient chercher leur route, à tâtons sur l’eau noire, sans repère, sans vue, avec l’unique secours d’un doigt aimanté qui désigne à peu près le nord.

Quelques-unes tricotaient machinalement, parce que l’habitude de leurs mains était plus forte que l’inquiétude de leur cœur. La plupart attendaient simplement, avec résignation. Et les enfants se serraient aux jupes, instinctivement craintifs du brouillard sournois.

Le brigadier Bernard, Zacharie et le vieux Piron opinaient parmi les femmes. Ils étaient graves et faisaient des hypothèses : la mer a encore trois heures de montée ; avec le courant et le petit souffle de l’ouest, les gars peuvent rentrer avant le jusant ; sonne hardiment la Gaude !

Mais son bras retomba las ; la Perchais lui succéda ; et la cloche continua à crier, comme un chien aboie au perdu.

Par moments le père Piron lampait une gorgée d’alcool à même une bouteille qu’il tirait de sa vareuse.

— C’est pour point être enfroiduré par c’te poison, disait-il en désignant le brouillard.

Et l’on veillait lugubrement, en parlant seulement de la brume parce qu’on pensait aux hommes qu’elle pouvait égarer.