Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/134

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— P’tit gars, je vas te conter une histoire, pasqu’il est point bon de rester comme ça à entendre la tête vous sonner dans la nuit… C’est un vendredi, 26 février, comme aujourd’hui, que mon aïeux a vu Le Voltigeur, Le 26, c’est un mauvais jour, pasque c’est deux fois treize, et le vendredi, tout le monde sait qu’il est maudit, à cause de la mort de Notre Seigneur ; aussi y a à craindre quand les treize et le 26 se rencontrent avec le vendredi. Donc, mon aïeux, du temps qu’il était gabier sur la Couronne a vu Le Voltigeur ce jour-là. C’était par le travers du Cap de Bonne-Espérance, sous le grand Napoléon, pendant un coup de suroît à démâter un trois-ponts. La Couronne fatiguait à tenir la cape sous ses basses voiles ; alle était quasiment à la merci de Dieu que le capitaine n’invoquait point pasque c’était un mécréant. Même qu’il jura à cause d’un mousse qu’une vague emporta, et au même moment mon aïeux, qui était près de lui, vit une grande lueur par tribord devant et il lui cria :

— Capitaine ! Capitaine ! v’la un feu !

Mais c’était le feu du diable, car il leur courait dessus sous la forme d’une grande corvette qui naviguait tout haut par un temps pareil, aussi tranquille qu’un pétrel, avec de la lumière dans sa voilure comme si elle emportait tout le soleil du matin. Alors, pour éviter le choc, le capitaine