Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/14

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Orgueilleux de son œuvre, le père Goustan lâcha l’erminette, pour venir à petits pas se camper près d’Urbain Coët. Il releva, d’un geste familier, la large salopette qui juponnait autour de ses vieilles jambes, redressa son échine, essuya ses lunettes et déclara :

— C’est du travail, ça, mon gars ! et du solide !

Alors son fils, François, qui rabotait les dessous de la barque, à plat dos parmi les copeaux, s’interrompit pour prononcer :

— Faut ça pour battre la mer !

Et Théodore, le petit-fils, du haut du pont, où il bricolait, jeta d’enthousiasme :

— Et pour tailler de la route !

Point bavard, Urbain Coët souriait simplement aux exclamations coutumières des trois générations. Il savait que l’ancien parlait toujours pour vanter son expérience d’un métier enseigné à ses enfants, et que ses enfants approuvaient à l’unisson. Urbain Coët estimait une sage routine. Il n’était point assez fou pour discuter les connaissances des vieux, surtout quand il les jugeait de bonne source. Et le père Goustan avait travaillé dans la grande ville de Nantes, sous le second empereur, du temps des frégates et de la belle marine en bois.

Au chantier de Noirmoutier, on n’utilise que l’erminette et le rabot en cormier cintré ; les