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Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/15

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Goustan ignorent la ferraille des outils américains. Ils élèvent des barques au petit bonheur, à vue de nez, en méprisant les calculs et le dessin.

— La mer ! dit le vieux, c’est-il une dame avec qui on compte ! — Ils font trapu, robuste, à force de chêne assemblé définitivement.

Ils ont deux marteaux pour trois et une seule tenaille dont un coin est brisé. Depuis deux ans, à chaque fois qu’il arrache un clou, François crie qu’il va la remplacer. Mais le père, derrière ses lunettes, constate qu’elle peut encore aller, et l’on remet l’achat. Quand ils ont à percer des trous profonds, Théodore court emprunter une tarière à Malchaussé, le charpentier, qui demeure en ville, de l’autre côté du port, sur la place d’Armes.

Dans un angle du hangar, la meule est fichée au mur par deux montants. Au-dessus, un sabot, la pointe en bas, sert de réservoir et pisse de l’eau par un petit trou bouché d’un fosset. L’affûtage des lames est la prérogative des aînés ; Théodore tourne la meule qui geint sur un rythme régulier.

Derrière le chantier, une palissade en volige garde du vent de mer un enclos où végètent des poiriers bas, des artichauts, des citrouilles et un cerisier dont on suppute annuellement la production. Il penche tout contre une fenêtre, et c’est plaisir de voir, en travaillant, danser les fruits rouges parmi les feuilles. Chargé de le veiller,