Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/160

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dant sa langue. Louchon détord méthodiquement la corde, torons à torons, et la coupe par petits bouts qu’il distribue aux assistants en manière de porte-bonheur. Jean-Baptiste, hébété, répète sans discontinuer :

— Si j’aurais cru ! si j’aurais cru !

Il ne voit pas la grande Bourrache qui vient d’entrer, attirée par le bruit, après l’avoir vainement attendu dans les paillers d’Izacar. La mère Olichon s’aperçoit la première que la Piron et sa fille sont absentes et les réclame. Alors Jean-Baptiste explique qu’elles sont parties à Lépine, à bout de patience et lasses de recevoir des gifles.

— Ça lui a fait un coup à c’ te pauvre homme ! et voilà !… soupire la bonne femme.

Elle dispose le mort sur son grabat, entre quatre bougies, la tête appuyée sur un sac. Elle s’affaire dans cette besogne macabre où tout le monde lui obéit. La mère Olichon est respectée et crainte à la fois parce qu’elle connaît les herbes, délivre les filles, accouche et ensevelit. Elle vient d’instinct aux douleurs humaines, hante le lit des parturiantes, des moribonds, et va vers l’amour aussi, parce qu’il est souvent tragique. Maintenant elle se cale sur une chaise, près du cadavre, pour la veillée mortuaire.

Les femmes entrent, s’agenouillent par terre et prient, tandis que les hommes défilent, le béret aux