Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

doigts, avec cette gravité rigide de la face, spéciale aux marins. Et Jean-Baptiste reprend la route, dans la nuit, pour aller chercher sa mère.

Deux jours après tout était fini. On avait enterré le vieux dans le petit cimetière de la falaise où toutes les croix, pourtant basses, penchent sous le vent de mer qui leur souffle au dos, à longueur d’année et les abat par-dessus les tombes. Zacharie avait fait la bière, avec des planches sauvées de la Ville de Royan, et on l’avait porté à bras jusqu’à son trou, dès six heures du matin, parce que le curé voulait avoir son monde avant la pêche.

Les hommes vinrent au complet avec une vareuse propre et un visage solennel. L’aube était douce, cotonneuse, la mer lourde sous le cimetière. Des femmes agitaient des chapelets avec des airs absents, en remuant les lèvres. Et le sacristain n’eut pas plutôt jeté la terre sur le cercueil retentissant que le curé apostropha l’assistance :

— Voilà où mène la boisson ! à mourir comme un chien, sans le pardon de la Sainte Eglise ! Il y a plus de quatre païens parmi vous qui avaient besoin d’un exemple ; que ceux-là réfléchissent !

Les hommes furent émus, chacun pensa à son voisin ; et pour se remettre d’aplomb avant d’embarquer, ils allèrent tous prendre une goutte.

La mère Piron avait pleuré, d’abord à cause de la secousse, et puis parce qu’elle avait découvert que