Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/190

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l’embarquement, au retour, quand il courait la falaise ou tendait le filet, elle passait et s’arrêtait pour la causette.

Impossible de se dérober davantage. L’océan les emprisonnait avec l’ennemi. Le soir Gaud enfermait sa femme à double tour et Sémelin, pour éviter une nouvelle scène, verrouillait la porte du phare.

Gaud se rongeait, toussait, maigrissait. Une barbe inculte lui creusait les joues. Délaissé par sa femme, il portait des guenilles.

Elle ne comprenait pas sa folie. Elle lui avait reproché sérieusement en le reprenant sur son sens pratique.

— Qu’ t’es bête, mon pauvre homme ! pisque t’es pus bon à rien, qui qu’ça peut t’faire ! Laisse-moi tranquille et j’te soignerai comme un éfant !

Gaud manqua l’étrangler sur cette parole.

Il n’avait de répit qu’aux congés de Jean-Baptiste. Alors il sommeillait les trois quarts du temps, étalé au soleil, la casquette sur les yeux, car la paresse satisfaite est, pour lui, le comble du bonheur, et l’existence des riches inoccupés lui parait enviable. Il ne pêchait même pas ; la ligne le fatiguait. Mais il savait bien demander du poisson aux sardiniers qui passent à ranger l’îlot dans les calmes d’été.