Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/229

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la vareuse nette. Il rit, embrassa P’tit Pierre largement, sans respect humain, au milieu des curieux, parce que c’est bon de retrouver le pays, la mère, le papa, tout ce qui tient si dur au cœur des hommes, dans un gros baiser qui claque sur la joue de son frère. Et puis on s’en fut prendre le coup de l’arrivée, une bonne bouteille, au Café de la Marine.

P’tit Pierre était fier parce qu’on les regardait. Depuis le matin il vivait une existence éblouissante et il ne parla que de lui, de sa traversée :

— Tu sais j’ suis v’nu à bord du Laissez-les dire

Florent dut lui arracher des nouvelles du pays et empoigner la bourriche où il fouilla lui-même.

Ils déjeunèrent sur un coin de table, à l’auberge, parmi les cris des consommateurs. Près d’eux quatre jeunes gens pariaient de vider un litre d’un trait ; plus loin, des pêcheurs, engagés aux régates, braillaient en se défiant. Une fillette parut sur le seuil, basanée, pieds et tête nus, et joua sur un accordéon Va petit mousse, que la foule reprit en chœur, avec un mouvement de houle auquel s’abandonnaient les femmes.

Chaque fois que passait la servante, rougeaude, suante et mamelue, les hommes fourrageaient son cotillon en rigolant. Des obscénités fulguraient en éclairs, suivies du tonnerre des rires. La fumée