Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/230

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dense masquait le plafond. On marchait dans le vin qui empestait l’atmosphère.

Volontiers Florent s’attarderait avec Clémotte, à boire, à jaser. Le vieux avait déboutonné son gilet, pour bedonner à l’aise, et dénoué la cordelière framboise de son col. Mais impatient de voir la fête, P’tit Pierre réclamait obstinément :

— On va-t-il pas bientôt s’ n’aller…

Une fanfare défila au rythme de Sambre-et-Meuse. Le café se vida, et les Bernard emboîtèrent le pas avec la compagnie. Du côté de la mer le canon retentissait. Des coups de vent chaud apportaient de la poussière ; les drapeaux clapotaient au long des mâts ; une sirène mugit et cent voix lui répondirent dans la foule.

C’était la liesse populaire, la joie physique de brailler, de gesticuler, d’avoir le cerveau trouble et le sang chaud. Il y avait bien, ici et là, des parades officielles, faites par des messieurs noirs sur des estrades tricolores, où l’on proclamait au son des Marseillaise, « la force de notre marine », « la prospérité du Commerce » et « la gloire de la France ! » Mais on savait bien que tout cela n’était pas sérieux. Il en fallait, parbleu, de ces histoires, pour les journaux, pour les avancements, pour les vanités et parce qu’il y en a qui aiment jouer à embêter les autres. Seulement, la vraie fête était ailleurs, là où il y avait du vin et des