qu’il détermine. Les hommes riaient en se moquant ; Double Nerf affirmait :
— C’est ça qui fait un homme, p’tit gars !
Et Julien Perchais, un garçon de conduite pourtant, buvait gaillardement ses trois gouttes, pour lui donner l’exemple. P’tit Pierre apprit vite à « siffler » son verre comme les autres, non qu’il trouvât bon l’âpre eau-de-vie, mais parce que ce geste le haussait dans son estime au niveau des héros comme Perchais et Tonnerre le baigneur.
Or, ce fut en leur compagnie, qu’entrant un soir au XXe Siècle, Bernard surprit son fils, accoudé à la grande table cirée, devant un verre. P’tit Pierre n’eut pas le temps de s’effacer qu’une gifle lui cingla la figure. Perchais s’interposa, mais tout gonflé de colère, Bernard riposta :
— Si c’est pas honteux d’ faire boire un gamin comme ça !
Et il empoigna son gars qui s’accrochait à la table désespérément. Des verres chavirèrent et se brisèrent sur le carreau. Tonnerre, les yeux sinistrement rapprochés par l’ivresse, grognait d’une voix râpeuse :
— Y a qu’ la goutte ! y a qu’ la goutte pour donner des forces ! J’ suis-t-il un crevé moi ! Hein ! Plus d’hommes que dix femmes n’en f’raient qu’ j’ai sauvés ! T’entends hein ! Il boira la goutte !…