Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/26

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Mais le vieux, bonhomme et amical, le tranquillisait :

— Ça fait rien, va mon gars, tu connais bien les Goustan, on n’est pas des buveurs de sang ! Tu paieras quand tu voudras, quand tu auras de l’argent, faut point te mettre en peine ! Apporte une pistole, deux, trois, à ta guise ! je te compte les intérêts comme aux autres, honnêtement, à six ; t’as tout le temps pour toi !…

C’est la manière de Mathieu Goustan. Le jour où il met une barque en chantier, il ouvre un compte au nom du client et les intérêts commencent à courir. Il sait qu’un pêcheur traîne sa note des années. Il en tient ainsi une vingtaine qui seront indéfiniment ses débiteurs et paieront deux fois leur barque. Mais parce qu’il ne les inquiète jamais, prend l’argent quand il vient, tous le vénèrent, chantent sa louange et le plus endetté de l’Herbaudière ne manque pas d’ajouter en parlant du vieux charpentier : Mathieu qu’est si bon pour les pauvres gens !

Urbain le remercia comme il devait, puis s’installa pour casser la croûte — une tranche de fromage sur un quignon de pain — près de l’établi d’où son regard enserrait la barque d’ensemble.

Les hommes embarquèrent dans la yole ; Perchais assit la Gaude sur ses genoux, et en dix