Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/262

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rie, qui est la profession des cagneux par excellence, il s’était placé en ville. On n’entendit plus parler de lui ; on l’oublia.

Et soudain il reparaissait, loqueteux et pâli, s’arrêtait à la porte de la masure familiale où vivaient encore sa mère et sa sœur, la Louise, avec l’enfant que lui fit le défunt Coët. Elles le reconnurent à sa claudication et l’accueillirent sans enthousiasme en considérant sa misère.

Mais Cul-Cassé les rassura en montrant trois pièces d’or dans le coin d’un mouchoir, puis il déposa son ballot et descendit chez Zacharie conter ses aventures.

C’est là que P’tit Pierre l’entendit le soir, quand, échauffé par les libations, il jurait et frappait la table en répétant :

— Un gars à Piron ! un pêcheur ! faire un gniaf ! Non mais quoi ! y a donc pus d’mer !

Il était revenu pour naviguer, malgré sa patte folle, parce que son grand-père, son père avaient été marins, parce que ses frères étaient marins et que son métier de cordonnier lui faisait honte, comme une désertion. Il était revenu par instinct, parce que son sang roule dans ses artères du même rythme que les océans, qu’il a besoin de la mer pour vivre comme d’air pour respirer, et qu’il aime mieux crever de faim et risquer sa