Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/268

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— Un canot ! rétorquait P’tit Pierre, ça fait ben ce que je veux ! ça s’défend point comme toi, dès qu’on approche !

Ils riaient tous les deux, et comme ils étaient seuls dans le chemin de Luzéronde, elle se laissa saisir à belles mains et embrasser à pleine bouche pour la première fois. Ils se détachèrent l’un de l’autre, tout penauds et rouges. P’tit Pierre s’étonnait de son geste irréfléchi. Elle était émue, délicieusement et un peu honteuse. Une timidité se dévoilait au fond de leur hardiesse. Ils avaient l’impression vague d’être, maintenant, autre chose que des camarades, et ils ne s’embrassèrent pas une autre fois ce soir-là.

Mais les jours suivants, P’tit Pierre s’en fut lui-même chercher Cécile à l’usine et, sans s’attarder aux bavardages de la sortie, ils s’éloignèrent vers les dunes de la Corbière où le jonc marin pique les mollets. Ils marchaient d’un pas égal, les bras à la taille, en écrasant sous leurs sabots des œillets de falaise roses et parfumés. Devant eux s’étendait la mer engrisaillée par le crépuscule d’été, si long après le coucher du soleil, et qui est comme le demi-sommeil du jour. Le feu du Pilier palpitait sur l’ombre de l’îlot. Et le vent, et le doux grésillement de la vague dans les roches seuls paraissaient vivre.

Ils s’asseyaient côte à côte. Cécile se laissait