Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/283

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trace qu’une faible crainte dans l’esprit de Bernard, un regret passager au cœur de son gars.

Le dimanche où les barques rentrent au port, les soixante chaloupes du pays se perdaient dans la cohue des bretons coaltarés. Il y en avait tellement que la mer était noire de leur reflet, tassés flancs à flancs contre la jetée, mouillés par groupe dans le chenal et montés haut sur le sable des grèves.

Les belles coques larges, coffrées, dominent l’eau paisible, asservie, de toute la fierté de leur avant en muraille où les marquent des numéros blancs ou bleus, gravés dans le bois en chiffre de deux pieds. Et doucement éculées vers l’arrière, elles se tiennent d’aplomb, complétées de silhouette par l’inclinaison de leurs mâts, énormes pieux nus, avec seulement un palan qui pend, là-haut, comme une tête.

Les filets bleus où le vent grésille, sèchent en ballonnant, sur les vergues, avec leur chapelet de lièges. À bord, des écailles brillent comme du mica et les voilures rouges, amenées pêle-mêle, rutilent dans le soleil.

Mais la misère est comme une maladie dans l’intérieur de ces barques délabrées, sans abri, sans couchettes, où les pêcheurs vivent et dorment entre un plancher poisseux et une voile saumâtre. Une marmite pour la soupe, un baquet pour la