Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/30

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bouquées par l’alcool, montaient du fond de leur sang d’homme.

Dans le chantier, Urbain avait déjà repris le travail. Par le large panneau ouvert sur le port, il pouvait voir l’eau immobile avec le ciel miré à perte de vue. Sur le quai en face, le jusant avait laissé une ligne de marée au-dessus de la yole des Goustan amarrée à l’escalier. Et le cri d’une poulie, parfois, tombait des airs comme un appel de mouette.

À midi les hommes quittèrent le cabaret avec des mines de conspirateurs et la face ardente. Le soleil écrasait la terre poussiéreuse et leurs yeux clignèrent. Par bravade, ils décidèrent de retourner au chantier. Mais sur la cale, ils trouvèrent Urbain qui parlait à son frère Léon, un gars de dix-sept ans, joli et frêle, sans l’apparence nerveuse de l’aîné.

Ils passèrent de biais, cauteleux et raclant le pavage, Perchais en tête avec le Nain, puis Double Nerf chargé du coaltar de la Gaude. Et Urbain dit très haut à son frère :

— Tu coucheras au chantier cette nuit ; demain ce sera mon tour. Des fois que l’feu viendrait à prendre…

Perchais grogna de l’arrière-gorge et cracha. Les trois Goustan sortaient de chez eux, dans l’ordre hiérarchique : grand-père d’abord et puis