Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/98

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Les plus ivres discutaient encore la régate, nez à nez, au bord du chemin, tandis que les anciens parlaient avec émerveillement des barques d’autrefois qui ont contenu leur jeunesse.

Les refrains s’espaçaient et arrivaient par bouffées, toujours de plus loin. Le tumulte des hommes s’éloignait vers la ville, où il y avait, sur la place d’Armes, des Balançoires de Belfort et un tir à la cible.

Louise Piron passa au bras de Léon Coët, affichant crânement son homme. Elle avait dérobé des conserves, et lui portait une miche sous le bras. Ils mangèrent au carrefour, sous le profil sec de la croix qui tranchait le crépuscule. La route s’allongeait bleuâtre, vers la ville féodale sur l’horizon avec les pointes des tourelles et du clocher, le cube du château. Des voix traînaient encore par les champs :

… Si tu n’as pas d’savon,
Fous-y de la potasse !
Allons, va te laver garçon,
Ou bien tu n’auras pas du vin dans ton bidon !


Ils revinrent tard dans la paix où le vent et la mer n’existent plus, et, courbatus d’amour, ils flottaient au bras l’un de l’autre dans le calme large de la nuit, quand la Louise heurta deux corps et poussa un cri. Puis elle rit de reconnaître son père