Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À ses yeux, c’était faire preuve de distinction que de refuser de valser, et il désirait qu’elle fût distinguée.

Quant à M. Grandcourt, il ne vint pas grossir le nombre des cavaliers à remontrances. Après qu’il eut dansé un quadrille avec miss Arrowpoint, on aurait pu croire qu’il n’avait pas envie de recommencer. Gwendolen remarqua qu’il était presque toujours avec les Arrowpoint et qu’il ne saisit aucune occasion de s’approcher d’elle. Elle se dit que probablement il ne pensait plus à elle, qu’il ne l’admirait pas plus que les autres jeunes filles du bal, et que, sans doute, il avait l’intention d’épouser miss Arrowpoint. En tout cas, et quoi qu’il pût arriver, elle ne serait pas désappointée, car jamais elle ne s’était occupée de ce que pourrait faire M. Grandcourt. Elle remarqua cependant qu’il changeait de place chaque fois qu’elle-même en changeait, afin de mieux la voir. Eh bien, s’il ne l’admirait pas, c’était tant pis pour lui !

Les mouvements de Grandcourt, pour mieux l’examiner s’accentuèrent davantage lorsque, dans la soirée, Klesmer fut son cavalier.

M. Grandcourt est un homme de goût, lui dit ce fantasque personnage aux yeux flamboyants, il aime à vous voir danser.

— Peut-être aime-t-il à regarder ce qui n’est pas de son goût, dit en riant Gwendolen, qui se sentait alors tout à fait courageuse devant Klesmer. Il doit être tellement fatigué d’admirer, qu’il accepte le dégoût comme un changement.

— Ce ne sont pas là des paroles qui conviennent à vos lèvres, dit vivement Klesmer avec de grands froncements de sourcils et en faisant un geste, comme pourchasser loin de lui des sons discordants.

— Critiquez-vous donc les mots autant que la musique ?

— Certainement. Je voudrais que vos paroles s’accor-