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choix exclusif qu’il avait fait d’elle parmi toutes les danseuses présentes au bal, avait attiré sur elle l’attention générale.

Quand le quadrille fut terminé, elle prit le bras de Grandcourt et se donna l’air de la moins clairvoyante des femmes, elle qui en était une des plus pénétrantes. Ils rencontrèrent miss Arrowpoint et lady Brackenshaw dans un groupe de messieurs.

— J’espère, dit l’héritière à Gwendolen, que vous viendrez avec nous, miss Harleth, et vous aussi, monsieur Grandcourt, quoique vous ne soyez pas archer.

Il s’agissait d’un pique-nique à Cardell-Chase, où le tir à l’arc serait plus poétique qu’un bal sous les lustres.

L’idée parut délicieuse à Gwendolen ; quant à M. Grandcourt, après un second appel à sa décision, il répondit que c’était une chose à faire ; sur quoi M. Lush, qui se tenait derrière lady Brackenshaw, attira l’attention de Gwendolen en disant :

— Diplow serait peut-être plus convenable ; il y a un superbe terrain entre les chênes, vers l’entrée du nord.

Grandcourt ne fit pas la moindre attention à ce que venait de dire Lush ; mais Gwendolen, après l’avoir bien examiné, se dit que, quoiqu’il parût être dans les termes les plus intimes avec l’hôte de Diplow, elle ferait toujours son possible pour ne pas le laisser approcher d’elle. Elle croyait aux sympathies et aux antipathies de la première vue, et M. Lush, avec ses yeux proéminents, avec ses cheveux noirs, épais et crépus, avec son obésité épicurienne, lui était on ne peut plus antipathique. Voulant éviter ses regards :

— Je désirerais continuer notre promenade, dit-elle à Grandcourt.

Il obéit sans dire un mot ; elle, de son côté, soit qu’elle voulût s’amuser ou tenter une expérience, ne parla pas