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davantage. Ils étaient entrés dans la vaste serre illuminée par des lanternes chinoises, et le silence durait toujours lorsque Grandcourt, s’arrêtant tout à coup, lui dit :

— Aimez-vous toutes ces choses ?

Si, une heure plus tôt, on avait dépeint à Gwendolen la situation où ils se trouvaient tous deux, elle en aurait ri aux éclats et sans doute fait une observation sardonique. Mais, en ce moment, une cause mystérieuse qu’elle ne pouvait s’expliquer, la contraignit d’être sérieuse ; c’était comme un pouvoir magique qui lui faisait craindre d’offenser Grandcourt.

— Oui, répondit-elle avec émotion, sans se demander si « ces choses » signifiaient les fleurs, les parfums, le bal, ou cette promenade à son bras. Elle le pria alors de la reconduire auprès de sa mère. Mais en approchant de sa place, elle n’aperçut pas madame Davilow ; en la cherchant, elle la vit venir à elle toute souriante, et lui disant :

— Gwendolen, ma chère, je te présente M. Lush.

Ce personnage, qu’on lui avait dit être un ami intime et un compagnon fidèle de M. Grandcourt, avait désiré faire sa connaissance, et elle pensait que ce serait avantageux pour sa fille de le connaître aussi. C’est à peine si Gwendolen s’inclina ; elle regagna vivement sa place en disant :

— Je voudrais avoir mon burnous.

Lush, au même instant, courut le chercher et l’apporta ; pour contrarier cette hautaine jeune personne, il s’était risqué à offenser Grandcourt en le prévenant ; il s’approcha de Gwendolen et voulut l’aider à mettre son vêtement.

— Voulez-vous bien permettre ? lui dit-il ; mais elle recula, se jeta sur une ottomane et murmura d’un ton dédaigneux ;

— Non, merci.

Pour pardonner une semblable marque de mépris, il aurait fallu avoir les plus parfaits sentiments d’un chrétien, en