Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/155

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persuadé qu’une femme d’un esprit bien trempé devait être heureuse avec Grandcourt.

Gweudolen ne fut nullement surprise, en descendant pour le thé, d’apprendre que son oncle l’attendait dans la salle à manger. Dès qu’elle y entra, il mit de côté le journal qu’il lisait, lui avança une chaise et lui dit avec bonté après lui avoir tendu la main :

— Ma chère nièce, j’ai à causer avec vous d’un sujet de la dernière importance puisqu’il touche à vos intérêts les plus chers. Vous devinez de quoi je veux parler ; mais je veux le faire avec toute franchise, car je me considère aujourd’hui comme votre père. J’espère que vous n’y voyez point d’empêchement.

— Oh ! non ; mon cher oncle. Vous avez toujours été très bon pour moi ! dit cordialement Gwendolen, qui désirait s’appuyer sur l’autorité de son oncle pour triompher de ses doutes.

— C’est, naturellement, une satisfaction bien grande pour moi, que la perspective d’un mariage aussi avantageux se soit offerte si tôt pour vous. Je ne sais pas au juste ce qui s’est passé entre M. Grandcourt et vous, mais je présume, d’après la manière dont il vous a distinguée, qu’il désire faire de vous sa femme.

Gwendolen ne répondant pas, son oncle reprit un peu vivement :

— En douteriez-vous, ma chère ?

— Je présume que c’est son idée ; mais il en pourrait changer demain.

— Pourquoi demain ? Vous a-t-il fait des avances que vous ayez repoussées ?

— Il a pu le penser ; il avait commencé à me faire des avances, mais je ne l’ai point encouragé. J’ai changé la conversation.

— Avez-vous assez de confiance en moi pour m’expliquer vos raisons ?