Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/156

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— Je ne suis pas bien sûre d’avoir eu des raisons, mon oncle.

Gwendolen se mit à rire d’un air contraint.

— Vous êtes très capable de réfléchir, Gwendolen. Vous savez que ce n’est pas une occasion ordinaire et qu’elle concerne votre vie à venir. Ces circonstance peuvent ne plus se présenter. Vous avez un double devoir à remplir ici ; envers vous d’abord, envers votre famille ensuite. Je voudrais savoir si vous avez des motifs fondés pour hésiter à accepter M. Grandcourt.

— Je crois que j’hésite sans motifs.

— Vous déplaît-il ?

— Non.

— Auriez-vous appris sur son compte des choses qui vous affectent désagréablement ?

Certains bavardages avaient circulé sur M. Grandcourt et étaient parvenus jusqu’aux oreilles du recteur ; mais il ne croyait pas que Gwendolen pût les connaître.

— Tout ce que je sais sur lui, c’est qu’il est un grand parti, et je vous assure que je n’en puis être affectée qu’agréablement.

— Alors, ma chère Gwendolen, je n’ai plus à vous dire que ceci : vous tenez dans vos mains une fortune comme il en arrive bien rarement à une jeune personne de votre position, et qu’il est presque de votre devoir d’accepter. Si la Providence vous offre rang et richesse, sans condition répugnante pour vous, vous encourez une responsabilité dans laquelle il ne faut pas faire entrer le caprice. Ne plaisantez pas avec les sentiments d’un homme, et dites-vous que, si M. Grandcourt se retirait, sans que vous ayez des motifs pour le refuser, votre situation serait humiliante et pénible. Pour ma part, je vous désapprouverais et je ne pourrais que vous regarder comme victime de votre coquetterie et de votre folie.