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descendants, dont on voyait les portraits dans une galerie située au-dessus des cloîtres, où Daniel allait souvent. La lignée se terminait avec le portrait de sir Hugo et de son jeune frère Henleigh. Ce dernier avait épousé miss Grandcourt, dont il prit le nom avec les biens, faisant ainsi la jonction de deux familles également anciennes et ajoutant les trois têtes de Sarrasins et les trois besants de l’une à la tour et aux faucons d’argent de l’autre ; avantages qui se réunissaient sur la tête de cet Henleigh Mallinger Grandcourt, que nous connaissons déjà mieux que sir Hugo ou son neveu Daniel Deronda.

Dans le portrait de sir Hugo, peint dans sa jeunesse par sir Thomas Lawrence, l’artiste avait rendu justice à la vivacité d’expression et au tempérament sanguin que l’on pouvait constater encore dans l’original ; mais il avait fait plus que lui rendre justice en allongeant un peu trop son nez, qui, en réalité, était plus court que l’on n’aurait pu l’attendre d’un Mallinger. Heureusement, le vrai nez de la famille reparaissait chez son jeune frère, et on le voyait dans toute sa fine régularité sur le visage de son neveu Mallinger-Grandcourt. Mais aucun des types de la famille suspendus aux murs de la galerie ne se reproduisait chez le neveu Daniel Deronda, qui était beaucoup plus beau que tous. — En ce moment, où, couché sur l’herbe, Daniel faisait pour la première fois connaissance avec les vicissitudes de ce monde, une idée nouvelle était éclose dans son esprit. Ayant lu Shakspeare et une grande partie de l’histoire universelle, il avait souvent pensé aux hommes nés hors du mariage, qu’il considérait comme des infortunés ; mais il ne s’était jamais fait cette application à lui-même ; son sort était trop beau pour qu’il eût pu y songer avant cet instant où il lui avait paru possible que tel fût le secret de sa naissance et que l’homme qu’il appelait son oncle fût réellement son père. L’oncle qu’il aimait si ten-