Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/194

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rieure, et j’appellerai cela un placement de premier ordre.

— Oh ! le diable d’homme ! Vous empêchez un affreux métis de se noyer et vous vous attendez à ce qu’il fasse belle figure !

Toutefois, Hans ne perdit pas de temps pour écrire en secret toute l’histoire à sir Hugo, et lui dire que, sans son généreux dévouement, Deronda n’aurait certainement pas manqué le prix pour lequel il avait travaillé.

Les deux amis rentrèrent ensemble à Londres : Meyrick, pour se réjouir avec sa mère et ses sœurs dans leur petite maison de Chelsea, et Deronda, pour exécuter la tâche moins facile d’ouvrir son cœur à sir Hugo. Il comptait un peu sur la bonté d’âme du baronnet, mais il s’attendait à une bien autre opposition que celle qu’il rencontra. Son oncle le reçut avec plus de bienveillance que d’habitude ; il passa rapidement sur son insuccès, et, quand il eut déduit les raisons pour lesquelles il désirait quitter l’université et aller étudier à l’étranger, sir Hugo, après être demeuré quelques moments à l’examiner silencieusement, lui dit :

— Ainsi tu ne veux pas être Anglais jusqu’à la moelle des os ?

— Je veux être Anglais, mais je tiens aussi à voir les choses sous plusieurs aspects ; je tiens à me débarrasser d’une attitude purement anglaise, au moins dans les études.

— Je le vois bien, tu ne veux pas être coulé dans le même moule que les autres jeunes gens. Je n’ai rien à dire contre l’éloignement que tu manifestes pour quelques-uns de nos préjugés nationaux ; je sens que, moi-même, j’ai bien fait de passer un certain temps à l’étranger. Mais, pour l’amour de Dieu, conserve la coupe anglaise et ne deviens pas indifférent pour le mauvais tabac ! Et puis, mon cher garçon, il est bon d’être généreux et désintéressé, mais il ne faut pas aller trop loin. En tout cas, je ne