Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/236

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curiosité ou à la présomption d’un droit parce qu’il lui avait rendu service. Ainsi, il aurait bien désiré l’entendre chanter, mais l’expression de ce désir lui aurait fait l’effet d’une grossièreté, et elle était digne qu’on la traitât comme une personne de qualité.

Deronda revint quelques jours après prendre congé d’elle et des dames Meyrick, car il allait partir et rester absent de Londres au moins deux mois. En effet, le lendemain, il se mettait en route pour Leubronn avec sir Hugo et lady Mallinger. Il leur avait parlé de Mirah. Le baronnet conseilla de renoncer pour le moment à la recherche de sa mère et de son frère. Lady Mallinger s’intéressa beaucoup à cette pauvre fille, et fit observer que, puisqu’il existait une société pour la conversion des juifs, on pouvait espérer que Mirah embrasserait le christianisme ; mais, apercevant un sourire sur les lèvres de sir Hugo, elle en conclut qu’elle avait dit une énormité. Lady Mallinger n’ayant donné le jour qu’à des filles, alors qu’un fils était attendu, se considérait comme dépourvue d’intelligence, et, quand elle se sentait embarrassée elle se disait : « Je demanderai à Daniel. » Deronda était donc devenu le conseil de la famille, car sir Hugo aimait de l’avoir à ses côtés et le chérissait presque autant que s’il eût été son fils.

Telle était l’histoire de Deronda, du moins autant qu’il la connaissait lui-même, jusqu’au moment de son voyage à Leubronn, où il rencontra Gwendolen Harleth à la table de jeu.