Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/287

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ment. Je ne considère pas cela comme une raison, mais ce qui m’en paraît une, c’est qu’avec toute votre expérience, vous allez vous rendre ridicule en agissant comme le troubadour d’une ballade ; et pourquoi ? Vous pouvez juger de ce qui vous attend d’après ce que vous avez entendu à Leubronn. En tout cas, il ne peut plus y avoir d’indécision maintenant.

— Parfaitement, dit Grandcourt, et je n’entends pas qu’il y en ait. Cela peut vous être désagréable ; mais si vous vous imaginez que je m’en préoccupe, vous vous trompez prodigieusement.

— Très bien, répondit Lush en se levant et en fourrant ses mains dans ses poches, mais l’affaire doit encore être examinée sous un autre point de vue. J’ai parlé jusqu’ici dans la supposition où il serait certain qu’elle vous acceptât, son dénûment ne lui laissant guère d’autre choix ; mais je ne suis pas déjà si sûr qu’il faille tant compter sur son consentement. Elle avait ses raisons pour vous fuir.

Lush s’était rapproché de Grandcourt ; il savait que ses services lui étaient presque indispensables ; mais il prévoyait que Gwendolen le ferait renvoyer pour quelque temps au moins, et, dans son irritation, il osa risquer une querelle.

— Elle avait ses raisons, répéta-t-il d’une façon plus significative.

— Je m’en doutais bien, dit Grandcourt avec une ironie méprisante.

— Oui. mais vous ne connaissez pas ces raisons.

— Vous les savez, vous, apparemment, reprit Grandcourt en ne trahissant que par un mouvement plus vif des paupières son désir de les connaître.

— Oui, et il est bon que vous les connaissiez pour que vous puissiez juger de l’influence que vous aurez sur elle, si elle passe sur ces raisons et vous accepte. Quant à moi, je me méfierais. Elle a vu à Cardell-Chase Lydia, qui lui a raconté toute l’histoire.