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Il porta sa petite main à ses lèvres, la baisa, et la laissa retomber respectueusement. En vérité, il n’était pas désagréable, il était presque charmant, et en cet instant elle se dit qu’elle n’aimerait personne mieux que lui.

— À propos ! fit-elle en reprenant la parole, le capitaine et madame Torrington sont-ils seuls à Diplow, en tête-à-tête, monsieur parlant cigares et madame lui répondant chignon ?

— Sa sœur est avec elle, répondit Grandcourt avec un pâle sourire, et deux messieurs, dont l’un vous est connu, je crois.

— Ah ! alors j’ai mauvaise opinion de lui.

— Vous l’avez vu à Leubronn. C’est M. Deronda, un jeune homme attaché aux Mallinger.

Gwendolen sentit son cœur bondir dans sa poitrine, et ses doigts qui essayaient de tenir sa broderie devinrent glacés.

— Je ne lui ai jamais parlé, répondit-elle en baissant la tête dans la crainte de laisser discerner son émotion. Est-il désagréable ?

— Non, pas particulièrement. Il pense un peu trop bien de lui. Je croyais qu’on vous l’avait présenté.

— Non. Je n’ai appris son nom que le soir avant mon départ. Ce fut tout. Qu’est-il ?

— Quelque chose comme le pupille de sir Hugo. Il n’a point d’importance.

— Oh ! pauvre garçon ! que c’est malheureux pour lui ! murmura Gwendolen du bout des lèvres et sans penser à faire un sarcasme. — La pluie a-t-elle cessé ? ajouta-t-elle en se levant et en allant à la fenêtre.

Heureusement il ne plut pas le lendemain et Gwendolen put aller à Diplow à cheval sur Critérion, ainsi qu’elle l’avait fait le jour où elle en revint en voiture avec sa mère. Sa colère contre Deronda s’était changée en terreur