Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reste, je ne souffre pas les poneys. Je sacrifierais volontiers un autre plaisir pour avoir un cheval à moi.

— Elle monte si bien ! Son maître d’équitation disait que son assiette est si bonne et sa main si ferme, qu’on peut lui donner n’importe quel cheval, dit madame Davilow, qui, même si elle n’avait pas désiré que la préférée de son cœur eût un cheval, n’aurait pas osé montrer de la tiédeur en essayant de le lui faire obtenir.

— Il y a d’abord le prix du cheval, — soixante livres pour le moins, — puis son entretien, dit M. Gascoigne d’un ton qui, malgré son hésitation, trahissait une envie d’être favorable à la demande. Les chevaux de la voiture sont déjà une forte dépense. Rappelez-vous aussi ce que coûtent aujourd’hui vos toilettes, mesdames.

— Je n’ai que deux robes noires, dit madame Davilow, et, quant à présent, mes deux plus jeunes filles n’ont pas besoin de toilettes. Je dois dire aussi que Gwendolen m’économise bien de l’argent en donnant des leçons à ses sœurs. Sans cela, il me faudrait une gouvernante de plus et d’autres maîtres qui me coûteraient gros.

Gwendolen ressentit un peu de colère contre sa mère, mais eut bien soin de ne pas le laisser voir.

— C’est bien, c’est très bien, dit M. Gascoigne, en regardant sa femme ; et Gwendolen, la rusée, s’empressa d’aller à l’autre bout du salon faire semblant d’arranger sa musique.

— La chère enfant n’a encore eu ni distractions ni plaisirs, reprit madame Davilow intercédant à voix basse. Je comprends bien que cette dépense est peut-être imprudente dès la première année de notre installation, mais elle a réellement besoin d’exercice et de gaieté. Si vous la voyiez à cheval ; elle est splendide !

— C’est ce que nous n’accorderions pas à notre Anna, dit madame Gascoigne ; la chère enfant monterait le baudet de Lotta, et croirait qu’il est bien assez bon. (Anna était, au