Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/73

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qu’on ferait pour elle le signal de s’avancer et de descendre.

— Musique, éveille-la, résonne ! dit Paulina. (C’était madame Davilow qui, après bien des instances, avait consenti à jouer ce rôle en burnous blanc et en capuchon.)

Herr Klesmer avait bien voulu se mettre au piano, sur lequel il frappa un accord formidable. Au même instant, et avant qu’Hermione ait eu le temps d’avancer le pied, le panneau mobile qui était sur la même ligne que le piano, s’ouvrit et mit à découvert la peinture blafarde du cadavre, plus livide encore à la lumière des bougies. Tous les spectateurs furent saisis de surprise, mais leur attention, qui se portait sur ce panneau, dut se diriger d’un autre côté, provoquée par un cri perçant de Gwendolen, immobile et frappée de stupeur ; on aurait dit la statue de l’effroi. Ses lèvres, dont le sang s’était subitement retiré, étaient entr’ouvertes, et ses yeux, habituellement voilés par leurs longs cils, étaient dilatés et fixes. Sa mère, aussi surprise qu’alarmée, courut à elle, et Rex, de son côté, ne put s’empêcher de faire un mouvement pour la soutenir. La main de sa mère produisit l’effet d’une décharge électrique, Gwendolen se laissa tomber sur ses genoux et se couvrit la figure de ses mains. Elle était toute tremblante sans pouvoir articuler un mot ; cependant il semblait qu’elle eût assez conscience d’elle-même pour s’efforcer de réprimer ses signes de terreur, car elle consentit à ce qu’on l’aidât à se relever et à l’emmener. La curiosité de la société, comme on le pense, était mise en éveil.

— Magnifique morceau de plastique ! dit Klesmer à miss Arrowpoint, et aussitôt un feu roulant de questions et de réponses fit le tour du cercle.

— Est-ce que ceci faisait partie de la pièce ?

— Oh ! certainement non ; miss Harleth était trop effrayée. C’est une nature bien sensible.