Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/74

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— Je ne savais pas qu’il y eût une peinture derrière ce panneau. Et vous ?

— Moi, pas davantage ; comment l’aurais-je su ? C’est quelque excentricité d’un membre de la famille du comte ; cela date de longtemps, je suppose.

— C’est affreux ! Je vous en prie, fermez ce panneau.

— La porte était cependant close. C’est très mystérieux. Ce sont les esprits, sans doute.

— Mais il n’y avait point de médium présent.

— Qu’en savez-vous ? Il faut conclure qu’il y en a quand de semblables choses arrivent.

— Oh ! la porte ne devait pas être fermée, et c’est la vibration du piano qui l’aura ouverte.

Cette conclusion venait de M. Gascoigne, qui demanda la clef à miss Merry. Mais madame Vulcany trouva cette explication inconvenante de la part d’un ecclésiastique et fit observer tout bas à sa voisine que M. Gascoigne avait toujours été trop mondain pour elle. La clef fut apportée, le recteur la tourna dans la serrure d’un air d’importance qui voulait dire : « Je réponds maintenant qu’elle ne s’ouvrira plus, » et, pour en être plus sûr, il la mit dans sa poche.

Gwendolen ne tarda pas à reparaître ; elle avait repris son sang-froid et semblait décidée à oublier, si faire se pouvait, le changement inattendu qu’elle avait apporté au rôle d’Hermione, et, quand Klesmer lui dit : « Nous devons vous remercier d’avoir si bien joué votre rôle ; vous n’auriez pu choisir un plus beau morceau de plastique, » un éclair de plaisir passa sur son visage.

Elle accepta avec empressement comme expression de la vérité ce qui n’était, en réalité, qu’une dissimulation délicate. Gwendolen se flatta donc de l’idée que Klesmer avait été aussi frappé de son talent que de sa beauté, et son malaise se transforma peu à peu en satisfaction.