Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/86

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M. Gascoigne, qui avait interrogé Anna, savait qu’il était allé avec Gwendolen aux Trois-Granges.

— Qu’est-ce qu’il y a ? dit-il, sans quitter sa plume.

— Je suis désolé, monsieur ; Primrose est tombé et s’est couronné.

— Où as-tu donc été avec lui ? demanda M. Gascoigne, qui, bien que sévère, ne se mettait jamais en colère.

— Aux Trois-Granges, voir lâcher les chiens.

— Et tu as été assez fou pour vouloir les suivre ?

— Oui, monsieur. Je n’ai pourtant pas sauté de fossé, mais le cheval a mis le pied dans un trou.

— Et tu as été blessé toi-même, à ce que je vois, eh ?

— J’ai eu l’épaule déboîtée, mais un jeune forgeron me l’a remise. Je suis un peu courbaturé, voilà tout.

— C’est bien, assieds-toi.

— Je suis bien peiné à cause du cheval, monsieur. Je sais que ce doit être une contrariété pour vous.

— Et qu’est devenue Gwendolen ? fit brusquement M. Gascoigne.

Rex, qui ne savait pas son père si bien instruit, sentit le rouge lui monter au visage. Il répondit cependant avec fermeté :

— Je suis inquiet de savoir s’il ne lui est rien arrivé ; je voudrais aller ou envoyer à Offendene ! Mais elle monte très bien à cheval et j’espère qu’elle aura été prudente ; il y avait beaucoup de monde avec elle.

— Dois-je croire que c’est elle qui t’y a entraîné ? dit M. Gascoigne en déposant sa plume et en regardant Rex fixement,

— Il était naturel qu’elle désirât y aller ; mais elle n’y pensait pas d’abord. C’est l’enivrement de la chasse qui l’a attirée, et je suis allé avec elle.

M. Gascoigne garda le silence quelques instants, puis reprit avec une calme ironie :