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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/178

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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

ses terreurs revinrent. Elle se leva tremblante et resta en costume de nuit devant son mari.

Il lui saisit l’épaule par une lourde étreinte et la poussa devant lui.

« Je rafraîchirai votre brûlant courage ! Je vous apprendrai à me braver ! »

Il la poussa devant lui, le long de l’escalier et au travers du passage, où une petite lampe brûlait encore. Qu’allait-il faire d’elle ? Elle croyait à chaque instant qu’il allait la terrasser. Mais elle ne criait point : elle tremblait seulement.

Arrivés vers la porte d’entrée, il la tint fortement, tandis qu’il en levait le loquet. Il ouvrit, poussa Jeanne dehors et referma aussitôt derrière elle.

Un instant, cela fit à Jeanne l’effet d’une délivrance. L’âpre vent du nord-est, qui soufflait à travers sa robe de nuit et soulevait ses longs cheveux, lui parut un souffle de pitié après l’étreinte de ce monstre. Mais bientôt ce sentiment de soulagement se dissipa devant la pensée de la réalité.

Voilà donc ce à quoi elle s’était acheminée pendant ces longues années de malheur ? Ce n’était pas encore la mort. Oh ! si elle avait été assez courageuse, la mort aurait bien mieux valu. Les domestiques couchaient de l’autre côté de la maison ; il était impossible de se faire entendre d’eux, impossible qu’ils la fissent rentrer sans que son mari le sût. D’ailleurs elle