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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/177

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LA CONVERSION DE JEANNE

ment, et elle entendait le moindre bruit dans la maison.

« Jeanne ! » La forte voix discordante sembla la frapper comme un stylet.

« Jeanne ! » cria-t-il de nouveau en sortant de la salle à manger.

Il y eut une pause d’une minute.

« Si vous ne venez pas, je vous tuerai. »

Une autre pause, et elle l’entendit rentrer dans la salle à manger. Il était allé chercher de la lumière — peut-être une arme. Peut-être la tuerait-il ? Soit ! La vie est aussi hideuse que la mort. Pendant des années elle s’était attendue à quelque horreur inconnue mais certaine, et maintenant elle en était tout près. Elle en fut presque satisfaite. Elle était dans un état d’excitation fébrile et de fierté qui neutralisait ses forces.

Elle entendit ses pas lourds sur l’escalier ; elle vit la lumière s’avancer lentement. Puis elle vit paraître cette grande figure massive et ce visage rendu féroce par l’ivresse. Il n’avait à la main qu’une bougie. Il la posa sur la table et s’avança près du lit.

« Ah ! vous croyez pouvoir me défier ? Nous verrons combien cela durera. Levez-vous, madame ; hors du lit à l’instant ! »

En présence de cet homme affreux, de cette force au service d’une féroce volonté, la hardiesse de Jeanne l’abandonna complètement, et