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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/193

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LA CONVERSION DE JEANNE

vie à nouveau. Que cela lui paraissait difficile ! Les forces de Jeanne ne répondaient pas à son noble visage et à sa grande taille ; c’était la force de la vigne, dont les larges feuilles et les riches grappes doivent être supportées par un solide étai. Et maintenant elle n’avait rien pour s’appuyer, ni foi, ni amour. Si sa mère eût été très faible, très âgée ou très maladive, la profonde pitié de Jeanne et sa tendresse auraient pu faire de ses devoirs de fille un intérêt et une consolation ; mais Mme Raynor n’avait jamais eu besoin de soins ; c’était elle qui avait toujours aidé sa fille ; elle avait toujours exercé envers elle une espèce de ministère modeste ; et un des grands chagrins de Jeanne était qu’au lieu d’être la consolation de sa mère, elle avait été une épreuve pour elle. Partout la même tristesse ! Sa vie n’était qu’une route rude et desséchée par le soleil, où il n’y avait point d’ombre et où toutes les eaux étaient amères.

Non ! pensa-t-elle — et cette pensée fut comme un choc électrique — il y avait un point dans sa mémoire qui semblait lui promettre une source non encore essayée, où les eaux pouvaient être douces. Cette courte entrevue avec M. Tryan lui revint en mémoire : sa voix, ses paroles, son regard disaient qu’il connaissait ses peines. Ses paroles avaient indiqué qu’il croyait sa propre mort prochaine ; pourtant il avait une foi qui lui permettait de travailler, qui le