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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/206

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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

cette terrible épreuve, bien plus forte qu’aucune autre femme n’en a à supporter, je ne me serais pas trouvée dans une semblable faute. C’est pécher de penser cela… ; je sens comme s’il devait y avoir de la bonté et de la justice au-dessus de nous ; mais je ne puis la voir et je ne puis avoir confiance. Et j’ai continué ainsi pendant des années. Il semblait parfois que cela allait mieux ; mais tout est devenu pire dernièrement : j’étais sûre que cela devait bientôt finir de manière ou d’autre. Et la nuit dernière il m’a jetée à la porte…, je ne sais que faire. Je ne recommencerai jamais cette vie-là, si je puis l’éviter : et pourtant toute autre chose me paraît impossible. Je suis sûre que le démon qui est en moi me poussera toujours à satisfaire le besoin qui me tourmente ; et les jours se suivront, comme ils l’ont fait pendant ces misérables années. Je ferai toujours le mal, en me détestant après — je m’enfoncerai toujours plus bas, en sachant que je m’enfonce. Oh ! pouvez-vous me faire trouver de la force ? Avez-vous jamais connu quelqu’un de semblable qui ait trouvé la paix de l’esprit et le pouvoir de bien faire ? Pouvez-vous me donner quelque consolation, quelque espérance ? »

Jeanne, tandis qu’elle parlait, avait tout oublié, excepté son infortune et son désir de soulagement. Sa voix s’était élevée du ton bas du malheur timide aux notes puissantes de l’angoisse qui implore. Elle joignait ses mains, regardait