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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/271

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LA CONVERSION DE JEANNE

Jeanne montrait la direction fortement arrêtée de son esprit, en prenant toutes les précautions possibles contre la tentation. Sa mère ne la quittait plus, ayant fermé sa petite habitation pour venir demeurer dans la rue du Verger ; Jeanne lui donna à garder toutes les clefs dangereuses, la priant de les tenir dans quelque endroit secret. Toutes les fois que l’abattement et son désir bien connu la menaçaient, elle cherchait un refuge dans ce qui avait toujours été sa plus pure jouissance — elle visitait quelqu’un de ses voisins pauvres, leur portait quelque secours, s’approchait d’un lit de malade, réjouissait de ses sourires quelque sombre habitation. Mais la grande source de courage, le grand secours pour persévérer, fut le sentiment qu’elle avait en M. Tryan un ami et un directeur ; elle pouvait lui avouer ses difficultés ; elle savait qu’il priait pour elle ; elle avait toujours la perspective de le voir et d’entendre des paroles d’avertissement et d’encouragement, qui lui arrivaient chargées d’un pouvoir divin tel qu’elle ne l’avait jamais trouvé auparavant dans des paroles humaines.

Le temps se passa ainsi jusqu’à la fin de mai, presque un mois après la mort de son mari. Un matin qu’elle déjeunait avec sa mère, regardant par la fenêtre ouverte le jardin, où le gazon blanchissait sous la neige des fleurs de pommiers, on apporta une lettre à Mme Raynor.