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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/300

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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

Jeanne ne partageait point les nouvelles espérances de M. Tryan, car elle était habituée à entendre le docteur Pratt dire que celui-ci ne passerait pas l’hiver, et elle savait aussi cette opinion partagée par le docteur Madely, de Rotherby, que le pasteur, sur sa demande, avait consenti à appeler en consultation. Il n’y avait aucune nécessité à dire à M. Tryan ce que révélait le stéthoscope ; mais Jeanne savait qu’aucun espoir n’était possible.

Elle ne ressentit aucune pensée de révolte contre cette perspective d’affliction, mais seulement une tristesse calme et soumise ; de la reconnaissance de ce que l’influence et les directions de M. Tryan lui avaient été accordées pour ce peu de temps — la reconnaissance de ce qu’il lui était permis d’être avec lui, d’être de plus en plus impressionnée par cette association journalière — d’être quelque chose pour lui pendant ces derniers mois de vie, et cette reconnaissance était si forte en elle qu’elle étouffait presque le regret. Jeanne avait traversé le drame sombre d’une vie de femme. Ses émotions personnelles les plus vives avaient été développées dans son premier amour — son affection blessée par ses années d’angoisse — son agonie de pitié impuissante auprès de ce lit de mort sept mois auparavant. La pensée de M. Tryan s’associait chez elle avec celle du repos, avec la confiance dans l’immuable, avec l’influence d’un pouvoir auquel elle