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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/51

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LA CONVERSION DE JEANNE

sa fille passer une telle vie ! une fille unique, encore, et qu’elle chérit.

— Oui, dit miss Pratt. Naturellement, nous en savons plus que les autres, mon frère ayant soigné la famille pendant tant d’années. Pour ma part, je n’ai jamais bien auguré de ce mariage. Et je me suis efforcée de dissuader mon frère, lorsque Mme Raynor l’a prié de présenter Jeanne pour le mariage. « Si vous voulez me croire, Richard, lui ai-je dit, vous ne vous occuperez pas de cela. » Il a vu depuis la justesse de mes prévisions. Mme Raynor elle-même était d’abord contre cette union ; mais elle a toujours gâté Jeanne, et je crois aussi qu’elle a cédé à un fol orgueil en voyant sa fille épouser un homme de cette position. Oui, j’ai peur qu’il n’en soit ainsi. Personne, si ce n’est moi, je pense, n’a prévu l’étendue de ce mal.

— Mais, dit Mme Pettifer, Jeanne n’avait pas d’autre perspective que d’être institutrice ; et il était pénible pour sa mère de travailler en lingerie, — une femme bien élevée, et dont le mari marchait la tête aussi haute qu’aucun autre à Thurston. Et peut-on prévoir ce qui arrivera dans quinze ans. Robert Dempster était l’homme le plus habile de Milby ; et il n’y avait pas beaucoup de jeunes gens en position de parler à Jeanne.

— C’est une pitié, dit miss Pratt. Jeanne Raynor était une jeune fille qui promettait tant, un peu trop fière peut-être de son éducation