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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/94

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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

pas un mot pour aggraver la discorde. Patiente et muette, elle restait à tricoter pendant bien des scènes de dispute ; elle paraissait résolument sourde aux sons qui frappaient ses oreilles et aux actes qu’elle devinait devoir se passer après qu’elle s’était retirée dans sa chambre ; elle était le témoin muet des fautes de Jeanne, qu’elle enregistrait cependant, comme devant faire pencher la balance en faveur de son fils. Le procureur, dur, autoritaire et dominateur, était toujours le favori de cette petite vieille femme, comme il l’avait été lorsqu’elle suivait avec l’orgueil du triomphe ses premiers efforts chancelants pour traverser seul la chambre des bonnes. « Voyez quel bon fils c’est pour moi ! pensait-elle souvent. Il ne m’a jamais dit un mot rude. Et il aurait pu être un très bon mari. » Oh ! qu’elle fait pitié, cette tristesse des femmes âgées ! Dans leur jeunesse elles se disaient peut-être : « Je serai heureuse quand j’aurai un mari qui m’aimera plus que tout le reste » ; puis, quand le mari devient négligent : « Mon enfant me consolera » ; puis pendant leur veille et leur travail de mère : « Mon enfant me revaudra tout cela quand il sera grand ». Et enfin, après avoir péniblement accompli le long voyage des années, le cœur de la mère est écrasé par un fardeau encore plus lourd, et il ne lui reste d’autre espérance que la tombe.

Mais, ce matin, la vieille Mme Dempster a pris