Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est une grande erreur, Chettam, interrompit M. Brooke, que de vouloir électriser vos terrains de cette manière et faire un salon de votre étable. Vous n’arriverez à rien. J’ai moi-même beaucoup étudié cette science autrefois mais j’ai reconnu qu’il était inutile de s’y acharner. Cela ne mène à rien. Et je vous conseille d’avoir l’œil à tout, avec votre exploitation fantaisiste ; car c’est bien le hochet le plus coûteux que vous puissiez vous payer. C’est encore plus cher que des meutes.

— Comment ! dit Dorothée ; ne vaut-il pas mieux dépenser son argent à chercher pour les hommes le meilleur profit à tirer de la terre qui les porte qu’a entretenir des chiens et des chevaux pour y galoper ? Ce n’est pas un tort de s’appauvrir par des expériences entreprises pour le bien général.

Elle parlait avec plus d’énergie qu’on n’en attend d’ordinaire d’une si jeune personne ; mais sir James en avait appelé à elle, elle y était habituée de sa part ; et elle pensait souvent qu’elle pourrait le pousser à beaucoup de bonnes œuvres le jour où il serait devenu son beau-frère.

M. Casaubon tourna ses regards d’une façon très marquée sur Dorothée et parut l’observer avec une curiosité nouvelle.

— Les jeunes filles n’entendent rien à l’économie politique, voyez-vous, dit M. Brooke, se tournant avec un sourire vers M. Casaubon. Je me souviens du temps ou nous lisions tous Adam Smith. Ah ! pour le coup, c’est là un livre ! J’ai embrassé là à la fois toutes les idées nouvelles… la perfectibilité humaine, vous savez… D’après d’autres opinions, toutefois, l’histoire procéderait plutôt par cycles ; et cette théorie peut se soutenir. Le fait est que la raison humaine peut vous emporter un peu trop loin… au delà des bornes… elle m’a entraîné assez loin pendant un temps, mais j’ai bien vu que cela ne pouvait aller, j’y ai