Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/224

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lieu que M. Minchin semblait plus capable de la découvrir, encore en embuscade et de lui barrer adroitement le chemin. Ils jouissaient tous deux à la ronde et au même degré de ce privilège souvent inexplicable d’une réputation médicale et chacun d’eux cachait sous une parfaite courtoisie son mépris pour le mérite de l’autre. Ils se mettaient au rang des institutions de Middlemarch, prêts, en conséquence, à s’allier contre tous les innovateurs et contre les hommes qui, n’étant pas de leur profession, prétendaient s’ingérer dans les affaires médicales. Sur ce point, ils étaient l’un et l’autre également et sincèrement opposés à Bulstrode. Bien qu’il n’eût jamais été en hostilité ouverte avec lui, le docteur Minchin trouvait un mobile de plus de s’associer au nouveau parti formé contre le banquier, dans la détermination très visible de celui-ci de patronner Lydgate.

Les deux vieux praticiens de la ville, M. Wrench et M. Toller entretenaient pour le moment à l’écart un colloque amical, d’accord pour conclure que Lydgate n’était qu’un impertinent singe, fait exprès pour servir les desseins de Bulstrode. Lydgate, d’ailleurs, en proscrivant les drogues, avait l’intention évidente d’attaquer indirectement ses confrères ; en faisant à la fois de la médecine et de la chirurgie, il ne tendait pas moins à effacer les différents degrés de la hiérarchie, que les médecins dans l’intérêt de la profession avaient à maintenir. Il fallait y regarder d’autant plus près vis-à-vis d’un homme qui n’avait pas fait ses études dans une université anglaise, et qui affichait la prétention blessante d’avoir fait de la science à Édimbourg et à Paris.

Ainsi en arriva-t-on, en cette occasion, à identifier Bulstrode avec Lydgate et Lydgate avec Tyke ; et grâce à cette confusion assortie à tous les goûts, plusieurs esprits, bien que d’avis et de préférences contraires, purent se former un jugement commun sur la question du chapelain.