Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/252

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venait lui remettre une carte, en lui disant qu’un monsieur attendait dans l’antichambre. Le courrier avait prévenu ce gentleman que mistress Casaubon était seule à la maison, à quoi il avait répondu qu’il était parent de M. Casaubon : Madame voulait-elle le recevoir ?

— Oui, dit Dorothée sans hésitation, faites-le entrer au salon.

Ses impressions sur le jeune Ladislaw se bornaient à peu près à se rappeler que, lorsqu’elle l’avait vu à Lowick, on lui avait parlé de la générosité de M. Casaubon à son égard, et aussi qu’elle avait pris quelque intérêt à son hésitation sur le choix d’une carrière. Elle était ravie de tout ce qui lui donnait une occasion de témoigner de ses sentiments de sympathie active, et, en ce moment, il lui semblait que cette visite vînt juste à point pour l’arracher à sa mauvaise humeur et à son absorption en elle-même, pour lui rappeler la bonté de son mari, et lui faire sentir qu’elle avait le droit maintenant d’être de moitié avec lui dans ses bonnes actions. Elle attendit quelques minutes avant de se présenter ; mais, lorsqu’elle entra dans la chambre voisine, il restait sur son visage assez de traces de larmes pour lui donner une expression encore plus juvénile qu’à l’ordinaire et presque suppliante. Elle alla au-devant de Ladislaw avec ce sourire adorable de la bonté, où il n’entre pas un grain de vanité, et lui tendit la main. Il était de quelques années plus âgé qu’elle ; mais, en cet instant, son teint se couvrant tout à coup de rougeur, il paraissait de beaucoup le plus jeune et il parla avec une timidité très différente de l’insouciance de ses manières avec son compagnon ; Dorothée, étonnée de son trouble et voulant le mettre à l’aise, n’en devint que plus calme.

— J’ignorais que vous fussiez à Rome, ainsi que M. Casauhon, jusqu’à ce matin, quand je vous ai vue au musée du Vatican ; je vous ai reconnue tout de suite, mais j’ai