Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/26

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— Dodo ! s’écria Célia, la regardant avec surprise, je ne t’ai jamais entendue faire une comparaison comme celle-là.

— Pourquoi l’aurais-je faite si l’occasion ne s’en présentait pas ? C’est une très heureuse comparaison, la ressemblance est parfaite.

Miss Brooke s’oubliait cette fois et Célia en fit intérieurement la réflexion.

— Je m’étonne que tu montres tant d’humeur, Dorothée.

— C’est une malheureuse disposition de ton esprit, Célia, de ne vouloir toujours considérer les gens que comme des singes habillés, et de ne jamais lire une grande âme sur le visage d’un homme.

— Est-ce que M. Casaubon a une grande âme ?

Célia ne manquait pas d’une certaine malice naïve.

— Oui, je le crois, dit Dorothée d’un accent pleinement convaincu. Tout ce que je vois en lui est d’accord avec l’œuvre dont il s’occupe.

— Il parle très peu, observa Célia.

— Il n’a personne à qui parler.

Dorothée méprise absolument sir James Chettam ; je crois qu’elle ne l’accepterait pas, pensa Célia ; et c’est dommage.

Elle ne s’était jamais abusée sur l’objet des attentions du baronnet. Quelquefois, sans doute, elle s’était dit que Dodo pourrait bien ne pas rendre heureux un mari qui n’aurait pas sa manière de voir et elle avait au fond de son cœur la ferme conviction que sa sœur était trop religieuse pour amener un confort parfait dans le cercle de famille. Ses idées et ses scrupules étaient comme autant d’aiguilles répandues partout et bien gênantes pour marcher, pour s’asseoir, pour manger…

Quand miss Brooke fut assise à la table à thé, sir James vint prendre sa place auprès d’elle ; il n’avait rien trouvé de blessant dans sa manière de lui répondre au repas. Il lui paraissait tout naturel que miss Brooke eût de l’affection