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Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/284

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Les Garth aimaient beaucoup Fred, et ce sentiment était réciproque. Quand Rosemonde et lui étaient encore enfants, et les Garth dans une position meilleure, les relations qu’avait amenées entre les deux familles le double mariage de M. Featherstone, en premier lieu avec la sœur de M. Garth, ensuite avec celle de mistress Vincy, étaient devenues peu à peu une véritable amitié, entretenue moins par les parents que par les enfants. Ils jouaient à la dînette avec leurs petits ménages et s’amusaient ensemble des journées entières, Mary était une vraie petite gamine, et Fred, à l’âge de six ans, la trouvait la plus charmante fille du monde et en faisait sa femme en lui passant au doigt un vieil anneau d’ombrelle. Durant tout le temps de ses études, il avait conservé son amitié pour les Garth et l’habitude de se retrouver chez eux comme dans un autre chez-lui, bien que tout commerce entre eux et ses parents eût cessé depuis longtemps. Même au temps de la prospérité des Garth, les Vincy les avaient toujours traités avec une sorte de condescendance ; en leur qualité d’anciens manufacturiers, ils ne pouvaient, tout comme des ducs, se lier qu’avec leurs égaux ; ils étaient, d’ailleurs, parfaitement pénétrés de cette supériorité sociale inséparable de leur position, qui, pour être mal définie en théorie, n’en était que mieux observée dans la pratique.

Depuis lors, M. Garth avait fait faillite dans des entreprises de construction qu’il avait malheureusement ajoutées à ses travaux d’architecte, d’expert et d’homme d’affaires. Il ne s’était remis pour un temps à la tête de ces entreprises que dans l’intérêt de ses créanciers, vivant fort étroitement et se donnant tout le mal possible pour arriver à les désintéresser intégralement. Il était enfin sorti de toutes ses difficultés, et ses efforts honorables lui avaient valu de la part de tous une estime bien méritée. Mais nulle part l’estime ne suffit pour attirer chez vous les visites du