Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/395

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d’hyène, les muscles de son visage se déformant sous l’effort que faisait sa main. Elle resta assez éloignée de lui pour se sentir à l’abri de sa fureur.

— Permettez que je vous donne un peu de votre potion, dit-elle tranquillement. Tâchez de vous calmer. Vous pourrez peut-être dormir un peu ; et, demain, an grand jour, vous pourrez faire ce que vous voudrez.

Il leva sa canne, bien que Mary fût hors de son atteinte, et il la lança avec un violent effort qui n’était que de l’impuissance ; elle alla tomber en glissant au pied du lit. Mary l’y laissa et revint s’asseoir près du feu, pensant lui faire prendre bientôt un peu de sa potion ; la fatigue l’avait rendu inerte. Le moment le plus froid de la matinée arrivait, le feu était presque éteint ; et déjà la lumière du jour, blanchie par la persienne, pénétrait à travers les rideaux entr’ouverts d’une grossière étoffe de damas. Ayant mis un peu de bois sur le feu et jeté un châle sur ses épaules, elle s’assit, espérant que M. Featherstone allait s’endormir ; en s’approchant de lui, elle n’eût sans doute fait que prolonger son irritation. Après avoir lancé son bâton, il n’avait plus rien dit ; elle l’avait vu ressaisir ses clefs et poser sa main droite sur l’argent. Mais il ne le remit pas en place et elle pensa qu’il s’était endormi.

Cependant Mary ne tarda pas à se sentir plus agitée au souvenir de ce qui venait de se passer, qu’elle ne l’avait été par la réalité même, s’interrogeant maintenant sur la conduite qui s’était comme imposée à elle, ce qu’elle n’avait pu faire au moment critique.

Tout à coup le bois sec laissa échapper une flamme qui illumina tous les recoins de la chambre, et Mary vit le vieillard étendu, sans mouvement, la tête légèrement tournée de côté. Elle s’approcha de lui en étouffant ses pas et trouva à son visage une expression d’immobilité étrange ; mais bientôt le mouvement de la flamme, se communiquant à