Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/426

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un an sans doute, peut-être même dans six mois. Ce n’était pas ce qu’il avait compté faire ; mais ses autres projets n’en souffriraient pas, il faudrait simplement les plier aux circonstances. Les préparatifs du mariage s’accomplissaient selon la règle ordinaire. Il fallait songer à une maison ; ayant entendu Rosemonde parler avec admiration de la maison de la vieille mistress Bretton, située dans Lowick-Gate, Lydgate s’en occupa dès qu’elle fut devenue vacante par la mort de cette vieille dame, et entra en pourparlers pour l’obtenir.

Tout cela était pour lui secondaire ; il le faisait à peu près comme il donnait des instructions à son tailleur pour chaque détail nécessaire à l’ensemble parfait d’un costume, et sans penser qu’il pût y avoir la moindre extravagance dans sa conduite. Au contraire, il eût dédaigné toute ostentation de dépense : sa profession l’avait familiarisé avec tous les degrés de la pauvreté, et il prenait souci de tous ceux qui avaient des privations à endurer. Il lui eût été bien indifférent de s’asseoir à une table ou l’on aurait fait passer une saucière ébréchée et ne se fût rien rappelé d’un grand dîner, sinon qu’il s’y était trouvé en compagnie d’un homme d’esprit. Mais l’idée ne lui était jamais venue qu’il pût vivre sur un autre pied que ce qu’il appelait le pied ordinaire, avec des cristaux verts pour le vin du Rhin et un service de table irréprochable. Lydgate n’était radical que pour les réformes de médecine et les recherches scientifiques. Pour tout ce qui appartenait à la vie pratique, il allait, par le fait d’une habitude héréditaire, dominé d’une part par cet orgueil personnel et cet égoïsme irréfléchi que nous avons appelé plus haut le côté faible de sa nature, de l’autre par cette naïveté qui provenait chez lui de la préoccupation constante des hautes idées qui lui tenaient au cœur.

Tous les débats intérieurs qu’amenait chez Lydgate cet engagement, qui l’avait pris comme au dépourvu, tenaient au manque de temps plutôt qu’au manque d’argent. Il est cer-