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Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/438

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du pays, certains hommes devaient vaincre leur répugnance à jouer un rôle public, certains hommes dont l’esprit avait, par une longue expérience, acquis autant de largeur que de puissance de concentration, de la décision dans le jugement aussi bien que de la tolérance, de l’impartialité aussi bien que de l’énergie, en un mot, toutes ces qualités qui, dans la mélancolique expérience de l’humanité, ont été, de tous temps, les moins disposées à s’allier dans une même âme.

On entendit M. Hackbutt déclarer, dans l’office même de M. Hawley, que l’article en question émanait de Brooke de Tipton et que Brooke avait secrètement acheté le Pionnier.

— Alors, gare ! dit M. Hawley. Il lui a pris la lubie d’être un homme populaire à présent, après avoir pataugé au hasard comme une tortue égarée. Je ne l’ai pas perdu de vue depuis quelque temps. Il va recevoir une jolie douche. C’est un damné de mauvais propriétaire. Qu’est-ce qu’un vieux bonhomme du comté a affaire de venir se faufiler dans une réunion de tenanciers en blouse bleue ? Quant à son journal, tout ce que j’espère, c’est qu’il en fasse tout seul la rédaction. Cela vaudrait la peine de payer pour le voir.

— J’ai cru comprendre qu’il avait mis la main, pour le rédiger, sur un jeune homme extrêmement brillant, capable d’écrire des premiers articles du plus haut style, tout à fait comparables à ce qui paraît dans les journaux de Londres. Il a l’intention de prendre position très haut dans la question des réformes.

— Que Brooke commence par réformer la feuille de ses revenus. C’est un satané vieux pince-maille, et tous les bâtiments qui couvrent ses propriétés tombent en ruine. Je suppose que ce jeune homme est quelque poisson égaré de Londres.

— Il s’appelle Ladislaw. On le dit d’origine étrangère.

— Je connais cette espèce-là, dit M. Hawley, quelque espion. Il commence par faire de belles phrases sur les