Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/485

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Mistress Dagley était une petite femme maigre, usée de travail. Depuis le retour de son mari, elle avait déjà eu une altercation avec lui, et se trouvait en de tristes dispositions d’esprit. Son mari répondit à sa place en élevant la voix comme s’il voulait terrasser son adversaire :

— Non, il n’aura pas de bâton, que vous le vouliez ou non ; ce n’est pas à vous de venir parler de bâton en ces lieux, quand vous ne voulez pas seulement donner un morceau de bois pour réparer la maison. Allez un peu à Middlemarch vous renseigner sur votre caractère.

— Vous feriez mieux de tenir votre langue, Dagley, dit sa femme, et de ne pas renverser vous-même votre écuelle. Quand un père de famille a été dépenser de l’argent au marché et empirer encore son état avec la boisson, il a fait assez de mauvaise besogne pour un jour. Mais je voudrais savoir ce qu’a fait mon garçon, monsieur.

— Pourquoi vous inquiéter de ce qu’il a fait ? reprit Dagley plus en colère, c’est mon affaire et non la vôtre, et je parlerai, moi aussi. J’aurai mon dire, souper ou non, et ce que je dis, c’est que j’ai vécu sur votre terre depuis mon père et mon grand-père avant moi, et nous y avons dépensé notre argent, et aujourd’hui, nous pourrions bien pourrir sur le sol, mes enfants et moi, en guise de l’engrais que nous ne pouvons acheter faute d’argent, si le roi ne devait pas y mettre fin.

— Mon brave homme, vous êtes gris, vous savez, dit M. Brooke d’une manière plus confidentielle que judicieuse. Un autre jour… un autre jour… ajouta-t-il en se retournant comme pour s’en aller.

Mais Dagley lui fit face aussitôt, et Fag grondait sourdement derrière lui, à mesure que la voix de son maître devenait plus forte et plus insultante, tandis que Monk, silencieux et digne, se rapprochait aussi, l’œil au guet. Les laboureurs, debout sur le chariot, s’arrêtaient pour entendre, et il pa-