Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/496

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Caleb se mit à rire.

— Elle tient sa langue de vous, Suzanne, dit-il avec une sorte de satisfaction.

— Mais non son étourderie, père, reprit aussitôt Mary, craignant que sa mère ne fût mécontente. C’est un peu fort, que Fred répète ainsi mes paroles inconsidérées à M. Farebrother.

— C’était sûrement un peu irréfléchi, ma chère, dit mistress Garth, à laquelle mal parler des dignités semblait un grave délit. Il pourrait y avoir un pasteur ridicule dans la paroisse voisine, que nous n’en estimerions pas moins notre vicaire pour cela.

— Il y a pourtant du vrai dans ce qu’elle dit, reprit Caleb, qui n’était nullement disposé à laisser rabaisser l’esprit piquant de Mary. Un mauvais ouvrier, dans n’importe quel métier, fait qu’on se méfie de ses compagnons. Les choses se tiennent.

— Certainement, reprit le vicaire que la causerie amusait. Mais, pour en revenir à Fred, il n’est que juste de l’excuser ; la conduite de ce vieux fourbe de Featherstone a contribué à le gâter ; il y avait, après tout, quelque chose d’absolument diabolique à ne pas lui laisser un liard. Mais Fred a eu le bon goût de ne pas insister là-dessus. Ce qui le préoccupe le plus, c’est de vous avoir offensée, mistress Garth ; il craint que vous n’ayez plus jamais bonne opinion de lui.

— Fred m’a déçue, dit mistress Garth avec décision. Mais je suis toute disposée à changer à son égard, pour peu qu’il me donne de bonnes raisons de le faire.

À cet instant Mary quitta la chambre emmenant Letty.

— Oh ! il faut pardonner à ceux qui sont jeunes, quand ils se repentent, dit Caleb, suivant Mary du regard jusqu’à la porte. Et comme vous dites, monsieur Farebrother, c’était le diable lui-même qui était dans le corps de ce vieillard !